Description

Publié clandestinement en 1942, traduit en dix langues et parachuté par la RAF sur l’Europe occupée, «Liberté» est aujourd’hui un poème mythique. Avec ses vingt et un quatrains courts, non rimés, et son empreinte surréaliste, il a la ferveur d’une déclaration d’amour. Avec sa structure anaphorique et sa cadence martiale, il résonne avec la force d’un mot d’ordre. A l’heure où le régime de Vichy transforme la devise nationale de Liberté, Egalité, Fraternité en un sinistre Travail, Famille, Patrie, perpétuant en France la barbarie nazie, le simple fait d’écrire «liberté», comme on appose une signature, est pour Eluard un acte fondateur et subversif. Il puise son inspiration dans ce qu’il y a de plus universellement humain et renvoie, de facto, l’oppresseur à sa fragilité : par cette liberté proclamée et diffusée, il démontre que toute volonté d’asservissement porte en elle les germes de son échec. Car la liberté est inaliénable et le bonheur de vivre triomphe toujours sur le mal. A la mort de Paul Eluard, Pierre Seghers décide de rendre hommage à son ami en commandant à Fernand Léger une illustration de ce poème emblématique. C’est ainsi que paraît en 1953 la première édition de ce poème-objet, formée de trois feuilles montées et pliées au format 31,8 x 16,4 cm, se dépliant en accordéon. L’oeuvre réalisée par Fernand Léger se caractérise par un chahut visuel : les douze couleurs, en aplats, semblent s’amuser avec le texte et célébrer une fête populaire. Fernand Léger rend familier et joyeux un texte lié à une époque très sombre de l’Histoire en cela, il manifeste toute sa liberté d’artiste. Grâce à l’alliance réussie de leurs deux univers, ce poème-objet a résisté au temps et garde toute sa beauté originelle. En cette année 2015, marquée par la lutte contre le terrorisme et l’obscurantisme, la «liberté» scandée par Eluard, apparaît plus que jamais comme un leitmotiv, un mot de rassemblement, généreux et optimiste, qui va bien au-delà des clivages politiques, sociaux et religieux.